Article mis à jour le 15/01/2016
Le compte pénibilité
Depuis le 1er janvier 2015, l’employeur a désormais de nouvelles obligations liées à la prévention, à la lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Pour chaque salarié exposé, l’employeur établit une fiche individuelle de prévention des expositions et la lui transmet au terme de chaque année civile, soit au plus tard le 31 janvier de l’année suivante. Lors du départ d’un salarié de l’entreprise, la fiche individuelle de prévention des expositions doit lui être remise au plus tard le dernier jour du mois suivant la date de fin de contrat. Cette fiche doit recenser les facteurs de risques auxquels le salarié a été exposé.
Les comptes pénibilité sont gérés par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et le réseau des Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT).
4 facteurs de risques professionnels ont été déterminés en 2015. Les décrets décret n°2015-1885 et décret n° 2015-1888 parus au Journal Officiel le 31 décembre 2015 parachèvent le dispositif en y incluant 6 nouveaux facteurs de risques professionnels.
Aux quatre premiers facteurs de risques, applicables dès le 1er Janvier 2015 :
- travail de nuit ;
- travail répétitif ;
- travail en équipes successives alternances ;
- travail en milieu hyperbare,
sont donc ajoutés six nouveaux facteurs, effectifs au 1er juillet 2016 mais avec effet rétroactif au 1er janvier :
- postures pénibles ;
- manutentions manuelles de charges ;
- agents chimiques ;
- vibrations mécaniques ;
- températures extrêmes ;
- bruit.
Salariés concernés par le compte de prévention de la pénibilité
Peuvent acquérir des droits au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité :
- tous les salariés des employeurs de droit privé,
- le personnel des entreprises publiques travaillant dans des conditions de droit privé,
- les salariés titulaires d’un contrat de travail de type particulier comme les apprentis ou les titulaires d’un contrat de professionnalisation.
Ne sont pas éligibles au compte :
- les salariés des particuliers employeurs,
- les salariés affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité,
- les travailleurs détachés en France.
Les salariés conserveront les points acquis au gré de leurs changements d’employeur, jusqu’à leur admission à la retraite. Tout contrat d’une durée inférieure à 1 mois n’entraînera aucune inscription de points. L’employeur n’aura donc aucune exposition à déclarer. La fiche doit être conservée pendant 5 ans par l’employeur, et devra rester à la disposition du salarié, des agents de contrôle et des ayants-droits du salarié en cas de décès.
Le défaut de rédaction des fiches d’exposition par l’employeur est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 5ème classe, soit 1 500€ maximum par personne physique, 7 500€ pour une personne morale. L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés par l’infraction. Ces montants sont doublés en cas de récidive dans un délai d’un an.
Enfin, les employeurs sont redevables d’une cotisation au titre des salariés entrant dans le champ d’application du compte pénibilité, qu’ils soient exposés ou non. La cotisation est nulle en 2015 et 2016, puis fixée à 0,01% à partir de 2017 :
Calculée sur les rémunérations brutes soumises à cotisations de sécurité sociale des intéressés, elle sera versée à l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, en même temps que lesdites cotisations. En plus de la cotisation générale, les employeurs de salariés effectivement exposés au-delà des seuils de référence sont redevables d’une cotisation spécifique. Elle aura pour assiette la rémunération brute soumis à cotisations de sécurité sociale des intéressés. Cette cotisation est payée à l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale (URSSAF, etc.), au plus tard le 31 janvier suivant l’année d’exposition.
Déclaration des salariés exposés à la pénibilité pour l’année 2015
C’est le logiciel de paie qui permet à l’employeur de déclarer les facteurs d’exposition de la pénibilité à la CNAV, au travers de la DADS. L’alimentation de ces données doivent également permettre, sous réserve de l’adaptation des logiciels de paye par les éditeurs, « d’éditer les fiches d’exposition à la pénibilité de manière automatisée sans qu’il soit besoin d’une nouvelle saisie de données », souligne la circulaire gouvernementale du 13 mars 2015 qui détaille la mise en place du compte pénibilité.
Pour ce qui concerne la déclaration de pénibilité, voici l’avis et les points d’alerte exprimés par Claude Saunal, dirigeant de Cognitic et expert-comptable toulousain du réseau Absoluce-Qantea.
La trêve de début d’année ne sera toujours pas pour les DRH et les éditeurs de logiciels de paye, encore sous pression. Avec la mise en place de la DSN (déclaration sociale nominative) niveau 3, les voici confrontés à la déclaration de la pénibilité lors de l’établissement de la DADS 2015.
Le cas des contrats de travail ne couvrant pas l’année entière
Si tout le monde avait bien intégré le dispositif, une documentation (décembre 2015) de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse vient éclairer sous un nouveau jour le traitement, notamment, des contrats ne couvrant pas l’année entière. En effet, si l’exposition à la pénibilité est bien toujours une moyenne et n’est pas une appréciation au jour le jour de la pénibilité, la définition de la moyenne, exposée par la CNAV, mérite d’être mise en exergue.
Tout d’abord, 1 contrat de travail = 1 exposition (l’entrée en vigueur progressive de ce dispositif fera l’objet de précisions ultérieures de la CNAV). Ainsi, dans le cas d’un salarié ayant deux contrats de travail, chaque contrat sera analysé indépendamment l’un de l’autre. Cette interprétation semble permettre de dépasser, par exemple, les 50 jours de travail de nuit dans le cas d’un salarié à temps partiel ayant deux employeurs pratiquant tous les deux le travail en équipes successives alternantes, mais ne dépassant pas individuellement les 50 nuits sur l’année.
Arrêter un calendrier annuel théorique
Ensuite, il s’agit de traiter le cas des embauches, des débauches, des CDD, et les intérims présentant un caractère infra-annuel. Dans ce cas, il convient d’arrêter un calendrier annuel théorique (qui détermine si, sur une année pleine, le salarié aurait atteint les seuils) pour déterminer la base de cotisation et le nombre de points à attribuer au salarié sur son compte pénibilité. C’est donc à partir d’un planning prévisionnel, d’une extrapolation, et non d’une proratisation, que seront calculés les droits.
Claude Saunal confirme :
« Nos équipes ont fourni le 31 décembre une mise à jour de notre logiciel Paiteam intégrant ce calendrier. Je pense qu’il en sera de même pour tous les éditeurs ; a contrario, seul un traitement manuel sera possible, d’autant que les calculs doivent être effectués en trentième, y compris le mois de février, et non en jours calendaires ».
Une simplicité très relative
Cette « simplicité » louée par les institutionnels est encore plus relative lorsqu’il y a une évolution des contrats de travail : imaginons une infirmière travaillant en début d’année en équipes successives alternantes et en fin d’année en bloc opératoire sous astreinte et donc, en travail de nuit aléatoire.
« Le DRH devra-t-il se transformer en statisticien de l’accidentologie ou en météorologue des températures extrêmes pour déterminer les calendriers théoriques qu’il devra renseigner dans son logiciel de paye ? » s’exclame Claude Saunal.
[Tweet « Compte pénibilité: le DRH devra-t-il se transformer en statisticien de l’accidentologie ? »]
La documentation de la CNAV dissimule d’ailleurs mal cette complexité lorsqu’elle traite des absences en précisant :
« Le choix de la déclaration et de la prise en compte de « l’absence » reste soumis à l’évaluation de l’employeur. En cas de désaccord entre l’employeur et le salarié, et si aucun accord ne satisfait les parties à l’issue de la procédure de réclamation devant la Caisse de retraite, la Tribunal des affaires de Sécurité Sociale peut être saisi. »
Cette documentation précise que la pénibilité s’analyse en année civile. Alors doit-on en conclure que la déclaration de la pénibilité pour les contrats infra-annuels ne dépassant pas le 30 novembre devra être déclarée sur la DADS 2015 ? Mais qu’en est-il exactement des contrats annuels ? Doit-on attendre fin décembre pour les porter sur la déclaration 2015, comme semble le suggérer la CNAV, ou les porter sur la DADS 2016 ?
Il est fort à parier que cette année, de nombreuses déclarations se feront à partir de données saisies manuellement tant la diversité des cas est difficile à envisager dans un traitement systématique automatisé…
Pour conclure sur le sujet de la pénibilité, « à chaque jour suffit sa peine » !
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A propos de Cognitic
Cognitic est un éditeur de solutions de gestion. Elle développe un ERP intégrant les fonctions de comptabilité, facturation, budget, paie, gestion des stocks, gestion des immobilisations. Sa spécificité : développements sur-mesure. Elle réalise 70 % de son chiffre d’affaires en France et 30 % à l’international. Ses clients vont de la TPE au grand groupe international.
Sources :
- Compte de prévention de la pénibilité : son fonctionnement en 2015 NetPME http://ow.ly/X6Oig
- Compte pénibilité: précisions pour sa mise en oeuvre en 2015 – L’Express L’Entreprise http://ow.ly/X6OIP
- Pénibilité : quatre facteurs applicables le 1er janvier 2015 NetPME http://ow.ly/X6Q6K
- La déclaration du compte pénibilité, un casse-tête pour les entreprises http://ow.ly/X6IRW
- Décret n°2015-1885 et décret n° 2015-1888 parus au Journal Officiel le 31 décembre 2015
- Circulaire gouvernementale du 13 mars 2015 relative à la mise en oeuvre du compte pénibilité.
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