Article mis à jour le 08/03/2022
L’auteur de contenu est Philippe Duchesne. Diplômé d’études supérieures de Droit et Consultant en Droit Social, ex-Directeur en Ressources Humaines, il a pris sa retraite après 43 années d’exercice. Il a publié en 2008 était un ouvrage intitulé “Le rôle du Directeur des Relations Humaines“, 84 pages, aux éditions Amalthée. Depuis, son activité se partage entre des cours de niveau master en droit social à la Faculté de Droit de Panthéon-Sorbonne et des missions de consultant en RH et droit social en associations (Retravailler, AGIRabcd et Entente Générations Emplois et Entreprises EGEE).
INTRODUCTION
Pénibilité…
selon St Ex« Face à cette destinée maigre, je me rappelais une vraie mort d’homme.
Celle d’un jardinier, qui me disait : « Vous savez … parfois je suais quand je bêchais. Mon rhumatisme me tirait la jambe, et je pestais contre cette esclavage.
Eh bien, aujourd’hui, je voudrais bêcher, bêcher dans la terre. Bêcher, ça me paraît tellement beau ! On est tellement libre quand on bêche ! Et puis, qui va tailler aussi mes arbres ? »
Il laissait une terre en friche. Il laissait une planète en friche. Il était lié d’amour à toutes les terres et à tous les arbres de la terre. C’était lui le généreux, le prodigue, le grand seigneur !
C’était lui, comme Guillaumet dans les Andes, l’homme courageux, quand il luttait au nom de sa Création, contre la mort. »
(Terre des Hommes – Les camarades)
La pénibilité est l’un des enjeux majeurs – au même titre que l’emploi, le chômage, la formation – des partenaires sociaux pour les années à venir !
Le retour de la social-démocratie au pouvoir en 2012 dans notre pays constitue – peut-être – une chance supplémentaire de l’avancée de ce dossier qui remonte à la « nuit des temps » le travail, en latin, issu de « tripalium » étant un instrument de torture…
1 – UNE PRISE EN COMPTE PROGRESSIVE DE LA PÉNIBILITÉ PAR NOTRE SOCIÉTÉ !
1.1 – UNE PENIBILITE EVOLUTIVE SELON LES LIEUX, LES EPOQUES, LES CULTURES
Dans le temps, la pénibilité est différente durant l’antiquité, le moyen-âge, la renaissance, l’âge des lumières, les temps modernes et notre époque : les statuts de chacune et de chacun ont, certes, évolué, petit à petit, plus favorablement. Autrefois, noblesse et clergé ne travaillaient pas et laissaient ce rôle ingrat au reste de la population composée de serfs, d’agriculteurs, d’artisans et de commerçants.
Aujourd’hui notre véritable problème – et c’est aussi de la pénibilité – c’est le chômage de masse qui s’amplifie au fil du temps, ce sont nos chômeurs, la plupart involontaires, qui cherchent du travail – via la précarité, la pauvreté, le déclassement, les travaux dangereux – et ce face au « noyau dur » des privilégiés en contrats à durée indéterminée ou employés au sein de la fonction publique qui revendiquent, à juste titre, leurs droits acquis par le dialogue social. Certes, la machine aide l’homme mais elle détruit aussi plus d’emplois qu’elle en crée…
Selon les pays, les régions du monde, leur place volontaire ou non dans l’échelle relative du développement et leurs besoins en matière de consommation, les travailleurs « de tous pays » font un « voyage dans le temps » en matière de pénibilité : Aucun rapport entre un indien d’Amazonie, un esquimau dans son igloo et un japonais, un européen, un citoyen américain, un habitant des nations arabes, un africain ou un chinois avec de très fortes différences dans ces derniers pays !
1.2 – LES LOIS AUBRY SUR L’ARTT, PRINCIPAL ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR DE LA PRÉVENTION DES RISQUES ET DE LA PÉNIBILITÉ ?
La mise en place par la gauche des 35 heures, d’abord, dans les grandes entreprises puis dans les très petites entreprises (lois Aubry I et II 1998-2000) a eu, malgré les aides de l’Etat, deux conséquences, d’une part, un coût financier pour les entreprises qui ont dû payer leur personnel travaillant 35 heures sur l’ancienne base de 39 heures et, d’autre part, un coût humain pour les salariés qui ont vu, le plus souvent, leur charge de travail progresser dans la même proportion !
Cela va alors justifier les instruments anti-pénibilité analysés en détail un peu plus loin : le document unique d’évaluation des risques en 2001 (directive CEE 1989 transposé par la loi de 1991 – décret de 2001 – circulaire 2002 – LMS 2002) et ce, pour toutes les entreprises avec salarié (s), les accords et plans d’action de prévention de la pénibilité en 2012 selon l’effectif et sa proportion exposé à la pénibilité, lesquels renforcent le DUER ainsi que les ANI seniors, stress et harcèlement tous étendus en 2006, 2008 et 2010.
Politiquement, rôle important de l’Europe ainsi que de la gauche au pouvoir lors de la « mise sur orbite » des différents dispositifs ! S’ajoute aussi l’appui non négligeable des syndicats, notamment, de la CFDT et la CGC attachés aux conditions de travail. De plus, juridiquement, la Cour de Cassation a imposé en 2002 une obligation de sécurité de résultats (et non de moyens) avec les arrêts « amiante ». Enfin, sociologiquement, nos nouvelles générations dites X, Y et… Z sont mieux formées, souvent déclassées, et souffrent tant du chômage que de l’éloignement inéluctable et toujours plus grand entre les tâches effectuées par chacune et chacun et la finalité du travail : Où sont nos « bâtisseurs de cathédrales » ? Il en résulte moins de vocations au profit de travaux purement « alimentaires », un forte démotivation, une charge de travail aggravée et toujours plus de stress !
1.3 – LA MAÎTRISE DE LA PÉNIBILITÉ REPOSE – NOTAMMENT – SUR TROIS PILIERS !
1.3.1. – UNE MAÎTRISE DES DÉPENSES DE SANTE
Cette problématique de la pénibilité et, surtout, sa négociation par les acteurs concernés – en l’occurrence nos partenaires sociaux, syndicats et patronat – est importante, outre qu’elle vise à améliorer les conditions de travail et même si elle constitue un coût supplémentaire pour les entreprises – d’où les réticences du MEDEF – et ce, notamment, dans une contrepartie, la maîtrise des dépenses de santé – il s’agit, alors, d’un coût social – dépenses de maladies professionnelles ou non, d’accidents du travail, d’incapacité ou d’invalidité. Quant à l’espérance de vie désormais en bonne santé – près d‘une décennie de différence entre un ouvrier et un cadre – ce seront des pensions en plus mais des soins en moins !
1.3.2. – UNE REPRISE EFFECTIVE DU DIALOGUE SOCIAL
Dans ce domaine complexe, il aurait fallu, évidemment, éviter l’erreur des lois AUBRY 1998-2000 sur l’aménagement du temps de travail – dramatique, en particulier, dans le secteur de la santé – et s’inspirer, plutôt, de la loi de ROBIEN 1996 basée sur la sphère conventionnelle, donc, en pratique, se limiter à une loi-cadre et/ou un accord national interprofessionnel renvoyant à la négociation branche par branche, la pénibilité étant très différente selon, les métiers, professions, entreprises ….. et les individus !
A ce jour, on peut constater sous l’impulsion du Président de la République et de son ministre du Travail, Michel SAPIN un développement du dialogue social à tous les niveaux dans notre pays. (Par exemple le dernier ANI « compétitivité-emploi » du 11 janvier 2013).
1.3.3 – UNE IMPLICATION TOUJOURS PLUS FORTE DU DROIT POSITIF
Depuis deux décennies, tant le législateur que les partenaires sociaux œuvrent années après années pour améliorer la situation :
- loi du 31 décembre 1991, obligeant les employeurs à assurer la protection de la santé et la sécurité de leurs travailleurs ;
- décret du 5 novembre 2001 instituant le document unique pour toutes les entreprises employant des salariés, lequel transcris les risques professionnels et les moyens de prévention en vue de leur éradication ;
- arrêts de cassation du 28 février 2002 dits « amiante » imposant une obligation de sécurité de résultats à l’employeur ;
- ANI du 9 mars 2006 – étendu le 12 juillet 2006 – sur l’emploi des seniors ;
- ANI du 2 juillet 2008 – étendu le 23 avril 2009 – sur le stress au travail ;
- ANI du 26 mars 2010 – étendu le 23 juillet 2010 – sur le harcèlement et la violence au travail ;
- loi du 9 novembre 2010 sur les accords et plans d’actions de prévention de la pénibilité (Effet au 1er janvier 2012).
A noter que la loi sur les contrats de génération du 1er mars 2013 (cf infra) se substitue à l’ ANI « seniors » 2006 – peu efficace dans la pratique – et qu’elle complète et enrichit celui-ci dans son objectif à relancer l’emploi tant des jeunes et des seniors et, aussi, à faciliter la transmission des entreprises de moins de 50 salariés.
2 – 2012, UNE ANNÉE CRUCIALE AVEC LES ACCORDS ET PLANS D’ACTION DE PRÉVENTION DE LA PÉNIBILITÉ !
Malheureusement – et contrairement au Document Unique dont nous traiterons plus loin dans ce chapitre et qui s’applique à toutes les firmes dès lors qu’elles ont, au moins, un salarié – les accords et plans d’action de prévention de la pénibilité ne concernent pas, en principe, toutes les entreprises et, en particulier, les Très Petites Entreprises (TPE).
La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et l’article L 138.29 du Code de la Sécurité Sociale applicable dès le 1er janvier 2012 en sont les textes fondateurs !
Une circulaire précise les conditions de négociation d’un accord ou de conclusion d’un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité. Elle revient sur le contenu de ces accords et plans d’action ainsi que sur les conditions dans lesquelles l’autorité administrative fixera, s’il y a lieu, le montant de la pénalité. Pour mémoire, à compter du 1er janvier 2012, les entreprises n’ayant pas conclu un accord ou établi un plan d’action de prévention de la pénibilité seront pénalisées financièrement à l’issue d’une procédure de mise en demeure de l’inspection du travail (Circ. DGT n° 8 du 28/10/2011).
2.1 – QUELLES SONT LES OBLIGATIONS ?
L’obligation imposée par la loi est une obligation de résultat : L’entreprise doit être couverte par un accord ou un plan d’action, qu’ils soient de branche, de groupe (Unions Economiques et Sociales incluses) ou d’entreprise. Une négociation non aboutie ne la dégage pas de cette obligation. L’entreprise a, en principe, le choix de négocier un accord ou de réaliser un plan d’action !
2.2 – QUELLES SONT LES ENTREPRISES CONCERNÉES ?
Pour déterminer si l’entreprise est concernée, il faut croiser trois critères :
2.2.1 – LE TYPE D’ENTREPRISE
Sont concernées (C. trav., art. L. 2211-1 et L. 2233-1) toutes les entreprises de droit privé, quelque soit leur statut juridique, les entreprises publiques dont les EPIC et les établissements publics à caractère administratif pour leur personnel de droit privé.
2.2.2 – LA TAILLE DES ENTREPRISES
Sont concernées les entreprises de 300 salariés et plus, y compris si elles sont couvertes par un accord de branche étendu, les entreprises de moins de 300 salariés, appartenant à un groupe de 299 salariés au plus, et non couvertes par un accord de branche étendu, les entreprises, quel que soit leur effectif, appartenant à un groupe d’au moins 300 salariés, y compris si elles sont couvertes par un accord de branche étendu.
Néanmoins sont exonérées, les entreprises de moins de 50 salariés n’appartenant pas à un groupe (mais invitées à s’assurer qu’elles ne doivent pas appliquer un accord de branche étendu prévoyant des dispositions en matière de pénibilité applicables aux entreprises de moins de 50 salariés), les entreprises de moins de 299 salariés, appartenant ou non à un groupe de 50 à 299 salariés, et couvertes par un accord de branche étendu. Une remarque, dans ces dispositions, la notion de groupe s’apprécie au sens de l’article L. 2331-1 du code du travail, à savoir une entreprise dominante type siège social, située en France, contrôlant ou exerçant une influence dominante sur d’autres entreprises, cette influence dominante est présumée établie à partir du contrôle de 10 % du capital et de l’établissement de relations importantes et permanentes.
2.2.3 – LES SALARIES EXPOSES AUX FACTEURS DE PÉNIBILITÉ
Sont concernées les entreprises qui emploient au moins 50 % de salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité (la liste de ces facteurs est consignée dans l’article D. 4121-5 du code du travail), s’agissant des groupes (UES comprises), les entreprises concernées sont celles qui, au sein du groupe, emploient au moins 50 % de salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité. La proportion de salariés exposés est du ressort de l’employeur, en associant le CHSCT ou, à défaut, les délégués du personnel. Pour mémoire, cette proportion est consignée en annexe du document – assortie éventuellement des modalités de calcul – et actualisée chaque fois que nécessaire.
Remarque : les salariés intérimaires et les travailleurs des entreprises extérieures qui exécutent habituellement leur contrat de travail en son sein doivent être pris en compte dans ce calcul et bénéficient, en retour, des mesures de prévention appropriées.
2.3 – QUELLES SONT LES MODALITÉS DE CALCUL DES EFFECTIFS POUR LA TAILLE DES ENTREPRISES CONCERNEES ?
Les modalités de calcul des effectifs sont celles prévues par l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 1111-2, L. 111-3 et L. 1251-54 du code du travail (v. également Circ. DSS/5B n°2010-38 du 1er fév. 2010). Ces effectifs sont ceux de tous les établissements confondus ; ils sont appréciés au 31 décembre de l’année précédente (donc : 2010) et calculés sur la base de la moyenne au cours de l’année civile des effectifs déterminés chaque mois ; dans le calcul, entrent les salariés titulaires d’un contrat de travail le dernier jour de chaque mois. Les CDI comptent pour des EQTP (équivalent temps plein) – y compris s’il s’agit de travailleurs à domicile ; les salariés à temps partiel, les CDD, intermittents et intérimaires comptent au prorata de leur temps de présence au cours des 12 mois précédents (à l’exception des CDD remplaçant des salariés dont le contrat est suspendu pour cause de maladie ou de congé). Les salariés mis à disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure sont également comptés au prorata de leur temps de présence, uniquement sous réserve d’être présents depuis au moins un an. A noter que des exemples de calcul sont donnés par la circulaire !
2.4 – QUELLE EST LA PLACE DES ACCORDS ET PLANS D’ACTION EXISTANTS ?
En cas d’existence d’accords d’entreprises, ou de branches, et de plans d’action au 9 juillet 2011 (par exemple, existence d’accords seniors, d’un accord sur les conditions de travail ou sur la GPEC), ceux-ci valent accords ou plans d’action relatifs à la prévention de la pénibilité jusqu’à leur expiration et dans la limite de 3 ans à compter de leur conclusion. Ces dispositions sont sous réserve de la conformité de leur contenu à celui défini par le décret et précisées ci-dessous (en cas de difficulté, se rapprocher de la DGT pour les branches et des Direccte compétentes pour les entreprises).
2.5. QUELLE EST LA MÉTHODOLOGIE A SUIVRE POUR NÉGOCIER UN ACCORD OU RÉALISER UN PLAN D’ACTION ?
L’accord ou le plan d’action doit reposer sur un diagnostic préalable des situations de pénibilité. Il doit prévoir les mesures de prévention ainsi que les modalités de suivi de leur mise en œuvre :
2.5.1. – DIAGNOSTIC PRÉALABLE
Lister les métiers, les emplois, voire les postes pour lesquels un facteur de pénibilité (ou cumul de ces facteurs) existe, caractériser les niveaux de contraintes, identifier les situations de pénibilité, et évaluer les niveaux d’exposition ;
2.5.2. – MESURES DE PRÉVENTION
Toute mesure d’élimination ou de réduction des facteurs de pénibilité identifié dans le diagnostic préalable (voir. ci-après les dispositions relatives au contenu des accords / plans d’action) ;
2.5.3.- MODALITÉS DE SUIVI
Libre choix de la démarche de suivi de leurs accords ou plans d’action (commission de suivi, calendrier et échéances déterminées pour faire un état des lieux régulier de la situation de la pénibilité dans l’entreprise, etc.).
2.6 – QUEL EST LE CONTENU DES ACCORDS ET PLANS D‘ACTION AINSI QUE DES THÈMES OBLIGATOIRES ?
Il faut traiter, au moins, 3 des 6 thèmes obligatoires mentionnés à l’article D. 138-27 du code de la sécurité sociale : un des deux thèmes suivants : réduction des poly-expositions aux facteurs de pénibilité (actions collectives de prévention visant à faire disparaître ou réduire l’exposition) ; adaptation et aménagement du poste de travail (actions correctives ciblées pour favoriser le maintien dans l’emploi ou le reclassement).
2 des 4 thèmes suivants :
- amélioration des conditions de travail au plan organisationnel (notamment concernant les horaires et charges de travail, etc.) ;
- développement des compétences et des qualifications (principalement des actions de formation – y compris de l’encadrement) ;
- aménagement des fins de carrière (mesures d’allègement, de compensation, d’accompagnement) ;
- maintien en activité (anticipation et aide au retour des personnes inaptes, victimes d’un handicap ou d’une absence de longue durée).
Pour chaque thème retenu, il faut lister les dispositions prises concrètement par l’entreprise ou le groupe. Des exemples de disposition sont donnés par la circulaire. Associer contenu des dispositions prises, objectifs chiffrés et indicateurs de suivi. Chaque thème retenu dans l’accord d’entreprise ou le plan d’action sera assorti d’objectifs chiffrés et d’indicateurs permettant de mesurer l’atteinte de ces objectifs. Ces indicateurs sont communiqués au moins annuellement aux membres du CHSCT, ou, à défaut, aux délégués du personnel.
2.7 – QUELLE EST LA DURÉE DES ACCORDS OU PLANS D’ACTION ?
La durée de l’accord ou du plan d’action (d’entreprise ou de groupe) est de trois ans (CSS., art. L. 138-30) – l’obligation d’être couvert demeurant aussi longtemps que la proportion de 50 % de salariés exposés à un facteur de pénibilité est atteinte.
Les accords de branche en matière de pénibilité demeurent valides sans limite temporelle (mais doivent toutefois être revisités tous les 3 ans dans le cadre de l’obligation triennale de négocier sur la pénibilité et la GPEC suivant l’article L. 2241-4 du code du travail).
2.8 -QUELLES OBLIGATIONS ENVERS LES IRP ?
Le CHSCT (ou, à défaut, les délégués du personnel), sont associés à la démarche de prévention de la pénibilité. De plus, il procède à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité (C. trav., L. 4612-2).
Les indicateurs de suivi des dispositions prises dans les accords ou plans d’action lui sont présentés au moins annuellement. La circulaire précise que les consultations diffèrent selon qu’il s’agit d’un accord ou d’un plan d’action : dans le cadre de la négociation d’un accord, ce sont les exigences générales de négociation avec les organisations syndicales qui s’appliquent (C. trav., art. L. 2232-16 et s.) alors que dans le cadre d’un plan d’action, la règle de la hiérarchie des consultations est préservée : d’abord le CE puis le CHSCT (ou, à défaut, les délégués du personnel).
Il est par ailleurs recommandé de conclure un accord de méthode prévoyant l’organisation et l’ordre des consultations.
Remarque : la circulaire précise que le CHSCT est consulté sur l’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité bien que cette disposition ne soit pas explicite dans le code du travail. Par ailleurs, la jurisprudence exige la consultation des CE en cas de négociation d’accord collectif, consultation qui doit intervenir avant la mise en œuvre de cet accord.
2.9 – QUELLES SONT LES MODALITÉS DE CONTRÔLE ET DE SANCTION ?
2.9.1 – PROCÉDURE DE DÉPÔT
Les dépôts sont effectués, pour les accords et plan d’action d’entreprise, à la Direccte de référence (du siège de l’entreprise ou du groupe le cas échéant).
Remarque : les accords de branche sont déposés à la DGT (Direction générale du travail, Dépôt des accords collectifs, 39/43 quai André Citroën, 75902 PARIS Cedex 15). Les accords ou plans d’action sont déposés simultanément en deux exemplaires, l’un sur support papier (obligatoirement signé) et l’autre sur support électronique (sur Cédérom – éventuellement courriel à depot.accord@travail.gouv.fr. s’il s’agit d’un accord de branche).
2.9.2 – MODALITÉS DE CONTRÔLE
L’agent chargé du contrôle vérifie dans le document unique de l’évaluation des risques la proportion de salariés exposés à des facteurs de pénibilité.
Si cette proportion dépasse les 50 %, il vérifie l’existence d’un accord ou d’un plan d’action et sa conformité aux exigences suivantes :
- respect de la méthodologie : établissement d’un diagnostic préalable, établissement d’un programme de prévention, établissement de modalités de suivi ;
- présence des thèmes obligatoires (3 thèmes parmi les 6 – en respectant la répartition détaillée ci-dessus) ;
- présence d’objectifs chiffrés pour chaque thème retenu ;
- présence d’indicateurs de suivi pour chaque thème retenu.
En cas d’absence d’un de ces éléments, l’accord ou le plan d’action est jugé insuffisant !
2.9.3 – EN CAS D’ABSENCE OU D’INSUFFISANCE DE L’ACCORD OU DU PLAN D’ACTION : LA MISE EN DEMEURE !
L’inspecteur ou le contrôleur du travail met alors en demeure l’employeur de remédier à cette situation en précisant l’ensemble des manquements relevés et la date d’échéance – l’entreprise disposant de 6 mois supplémentaires. L’accord ou le plan d’action est transmis à l’inspecteur ou contrôleur du travail par lettre recommandée avec accusé de réception.
Si l’inspecteur ou le contrôleur estime, à la lumière des documents transmis, que l’employeur n’a pas régularisé entièrement sa situation, il l’invite, dans les formes les plus adéquates, à procéder à cette régularisation. L’invitation ainsi adressée à l’employeur n’ouvre pas un nouveau délai de 6 mois.
2.9.4 – DIALOGUE ET DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR L’ENTREPRISE A SATISFAIRE A LA MISE EN DEMEURE
Pendant les 6 mois de la mise en demeure, l’inspection du travail veille à discuter, avec l’employeur, de l’évolution de sa démarche – notamment en l’invitant à privilégier la voie de la négociation.
A sa demande, l’employeur peut être entendu. Lorsque l’entreprise estime ne pas être en mesure de régulariser sa situation sur tout ou partie des insuffisances relevées dans la mise en demeure, elle adresse à l’inspecteur ou contrôleur du travail une demande de prise en compte des motifs de sa défaillance.
Au titre de la défaillance de l’entreprise, peuvent être notamment pris en compte (article R. 2242-6 CT) les motifs suivants : survenance de difficultés économiques de l’entreprise, restructurations ou fusions en cours, l’existence d’une procédure collective en cours, le franchissement du seuil d’effectif dans l’année précédant l’envoi de la mise en demeure. Peut être pris en compte tout autre motif indépendant de la volonté de l’employeur et de nature à justifier la non régularisation de sa situation. L’employeur justifie, par ailleurs, de toutes autres mesures prises en faveur de la prévention de la pénibilité.
2.9.5. – A L’ISSUE DU DÉLAI DE SIX MOIS
A l’issue dudit délai de la mise en demeure – ou dès que l’entreprise a transmis les éléments de nature à répondre aux manquements relevés dans la mise en demeure – l’inspecteur ou le contrôleur du travail va informer de ses conclusions le Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (ci-après le Direccte).
Ce dernier prend la décision relative à la pénalité. Deux cas de figure sont prévus : en cas de régularisation de sa situation par l’entreprise : notification motivée de ne pas appliquer la pénalité ; dans le cas contraire, à l’issue des 6 mois et d’un délai d’un mois, le Direccte détermine s’il y a lieu d’appliquer la pénalité et en fixe le taux. Le taux est fixé en fonction de l’appréciation des éléments suivants :
- les diligences accomplies pour conclure un accord ou élaborer un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité (organisation de réunions de négociations, saisine des différentes instances pour consultation) ;
- les mesures prises dans l’entreprise pour prévenir la pénibilité au travail.
2.9.6 – PÉNALITÉ ET RECOUVREMENT
Le montant de la pénalité ne peut excéder 1 % des rémunérations ou gains versés aux travailleurs exposés durant la période pendant laquelle l’entreprise n’est pas couverte par un accord ou un plan d’action.
Elle s’applique à compter de la décision de notification du taux à l’employeur et prend la forme d’une astreinte due par l’entreprise tant qu’elle n’a pas régularisé sa situation. La pénalité doit être déclarée par l’employeur dans ses déclarations de cotisations. Elle est acquittée en même temps que ses cotisations, sous peine des sanctions applicables au recouvrement de celles-ci.
Un accord de prévention de la pénibilité quasi finalisé par les partenaires sociaux dans une PME industrielle – plasturgie et une centaine de salariés – du pays voironnais est annexé à cette monographie pour concrétiser la loi 2010 applicable dès 2012.
3 – DES 2001, LE DOCUMENT UNIQUE D’ÉVALUATION DES RISQUES !
3.1 – DES INSTRUMENTS ANTI-PENIBILITE
Il faut noter le rôle du Juge suprême dans l’obligation de résultat des employeurs qui les implique plus que l’obligation de moyens, mais aussi du grand intérêt du document unique – tenu à jour et communiqué au comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail, aux délégués du personnel, aux salariés soumis aux risques professionnels, médecins, inspecteurs du travail et agents de prévention de la Sécurité Sociale.
Le document unique, ce sont plutôt les risques physiques (équipements, substances utilisées, méthodes de travail, etc) à l’origine de la plupart des accidents du travail et maladies professionnelles, mais il n’ignore pas, pour autant, les risques psychosociaux lesquels ont fait l’objet – à la demande du ministre du Travail, d’un rapport d’expertise sous la direction de Michel GOLLAC en 2010.
Car lesdits risques psychosociaux sont de plus en plus présents dans une économie de services pour les trois quarts de son activité – l’industrie et l’agriculture sont désormais, hélas, fortement minoritaires – ils bénéficient de deux accords nationaux interprofessionnels étendus par le ministre du Travail, le plus important sur le stress en 2008 et dans une moindre mesure, l’autre sur les seniors en 2006, avec la gestion de l’âge et de la seconde partie de carrière.
3.2 – UNE DIFFICILE MISE EN PLACE DU DOCUMENT UNIQUE DANS NOS ENTREPRISES !
Les entreprises ont « traîné des pieds » en ce début de XXIème siècle pour appliquer la nouvelle réglementation liée au document unique lequel vise à une obligation de résultats en matière de sécurité (détermination et prévention des risques professionnels) et ce malgré les diverses sanctions prévues par le législateur : amendes, délit d’entrave, obstacle à contrôle, emprisonnement, dommages et intérêts (capital ou rente) y compris sur le patrimoine personnel de l’employeur ou du cadre – par exemple, le D.R.H. – qui dispose d’une délégation du chef d’entreprise !
En France, le document unique, ou document unique d’évaluation des risques (DU ou DUER), a été créé par le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001.
Celui-ci a transposé la directive européenne sur la prévention des risques professionnels.
L’élaboration et la mise à jour de ce document s’imposent à l’employeur pour toute entreprise de plus d’un salarié. C’est un outil permettant d’engager une démarche de prévention dans l’entreprise et de la pérenniser. Le document unique doit être revu au minimum chaque année et à chaque fois qu’une unité de travail a été modifiée. Il doit également être revu après chaque accident du travail.
Le document unique est la transposition, par écrit, de l‘évaluation des risques, imposée à tout employeur par le Code du Travail (L 4121.1 – R 4121.1 & suivants).
Le DUER est obligatoire pour toutes les entreprises, administrations et associations de plus de un salarié.
L’absence de document unique, en cas de contrôle de l’inspection du travail, peut être sanctionnée de 1 500 euros d’amende par unité de travail et de plus de 3 000 euros par unité de travail en cas de récidive (article 4741-3 du Code du Travail).
En cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle, la responsabilité civile de l’employeur peut être engagée si la faute inexcusable est reconnue, entraînant une réparation du préjudice subi pour la victime (souffrances morales et physiques, esthétiques, etc…) et pour l’employeur, une cotisation complémentaire en remboursement de la rente majorée servie par la sécurité sociale.
Le décret défini trois exigences pour le document unique :
- Le document unique doit lister et hiérarchiser les risques pouvant nuire à la sécurité de tout salarié. En ce sens, c’est un inventaire exhaustif et structuré des risques.
- Le DU doit également préconiser des actions visant à réduire les risques, voire les supprimer. En ce sens, c’est un plan d’action.
- Le document unique doit faire l’objet de réévaluations régulières (au moins une fois par an), et à chaque fois qu’une unité de travail a été modifiée. Il doit également être revu après chaque accident du travail.
L’entrave portée à la rédaction et la constitution du DUER peut être sanctionnée par une contravention de cinquième classe (article R 4741-1 du code du travail).
Le document unique n’est donc pas seulement un document légalement obligatoire et figé. C’est un élément essentiel de la prévention des risques dans l’entreprise. C’est un document qui doit vivre : On détermine le problème, le risque majeur dans l‘unité de travail, on le résous et l’on met à jour le DU !
L’intérêt primordial du document unique est donc de permettre de définir un programme d’actions de prévention découlant directement des analyses et évaluations qui auront été effectuées. L’objectif principal étant de réduire le nombre et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles et ainsi de permettre d’éviter des surcoûts pour la sécurité sociale et pour l’entreprise.
La circulaire n°6 DRT du 18 avril 2002 émise par la Direction des relations du travail (Ministère du Travail) donne des indications très précieuses visant à fournir des éléments de droit et de méthode utiles pour promouvoir le DU et en faciliter la compréhension. Sa lecture est indispensable à tous les acteurs concernés.
Il n’existe aucun modèle imposé ! L’employeur est libre d’utiliser tous types de supports (papier, informatique, etc) pour transcrire le résultat de son évaluation des risques. La seule obligation est que ce document soit disponible en un lieu unique que le support soit papier ou numérique.
Pour les grandes entreprises, un document unique doit être établi dans chaque établissement.
Parmi des centaines d’autres modèles, il existe un document créé pour l’industrie de la métallurgie et qui est transposable pour toutes les entreprises.
Le document unique doit être tenu à la disposition du CHSCT, des DP et salariés, du médecin du travail, de l’inspection du travail, des agents des services prévention des organismes de Sécurité Sociale, du Procureur de la République en cas d’accident du travail, des organismes professionnels d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, constitués dans les branches d’activité à hauts risques.
En outre et en vertu du Décret n° 2008-1347 du 17 décembre 2008 paru au JO du 19 décembre 2008, l’employeur doit notamment informer ses salariés que le document unique d’évaluation des risques professionnels est tenu à leur disposition, il doit également les informer des mesures de prévention des risques identifiés dans le document unique d’évaluation des risques, des consignes de sécurité. De façon générale l’information des salariés sur les risques relatifs à leur santé et à leur sécurité doit être dispensée d’une manière compréhensible et le temps consacré à cette information est considéré comme du temps de travail.
Le Document Unique doit être utilisé pour établir les plans annuels de prévention présentés au CHSCT chaque année.
La responsabilité de la rédaction du Document Unique incombe au Chef d’entreprise. Cela ne signifie pas qu’il le rédige seul ou qu’il peut reporter cette responsabilité à un de ses préposés par lui désigné. Bien au contraire, comme le précise la circulaire DRT, l’évaluation des risques (transcrite dans le document unique) s’inscrit plus généralement dans la démarche de prévention mise en place dans l’entreprise et à ce titre la rédaction du DU met nécessairement en œuvre :
- Une approche pluridisciplinaire (acteurs externes) – le rédacteur s’attache éventuellement les services de professionnels de la Préventions généralistes (CRAM, OPPBTP, etc.) ou spécialistes, consultants ou intervenant en prévention des risques professionnels attestés (IPRP), qui l’aideront dans cette tâche ;
- L’association des acteurs (internes et externes) – le chef d’entreprise favorisera la participation des personnels, préventionnistes, instances représentatives du personnel (CHSCT), médecins du travail, ergonomes, juristes, techniciens, … et les travailleurs eux-mêmes (y compris les travailleurs temporaires), dont la connaissance des risques et l’expérience est un apport indispensable.
- Cette approche pluridisciplinaire et participative peut seule :
- permettre une évaluation des risques globale et exhaustive prenant en compte des situations de travail réelles dans l’entreprise,
- et donc conduire à élaborer un document unique qui facilitera ensuite l’élaboration d’un Plan d’Actions de Prévention, lui-même destiné à supprimer ou réduire les risques.
Le Document Unique n’est qu’un élément de la Démarche de Prévention, processus cyclique qui comporte cinq étapes :
- étape 1 : Préparation de la démarche (se donner les moyens, les méthodes, les objectifs, …),
- étape 2 : Evaluation des risques (et rédaction du DU),
- étape 3 : Elaboration du programme d’actions de prévention,
- étape 4 : Réalisation des actions planifiées,
- étape 5 : Réévaluation des risques suite aux actions menées.
………. et l’on recommence un nouveau cycle…
Afin d’illustrer la mise en place du Document Unique, vous trouverez, en annexe, quelques exemples d’évaluation des risques professionnels et d’actions de prévention ad hoc pour différents métiers.
3.3 – UN PREMIER ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL ÉTENDU SUR L’EMPLOI DES SENIORS EN 2006
On peut s’interroger sur le « freinage » du Document Unique 2001 du fait du retour de la droite au pouvoir dès 2002 et craindre une éventuelle corrélation ?
Il faudra, en effet, attendre 2006 pour que les partenaires sociaux négocient et concluent un ANI sur l’emploi des seniors étendu – donc applicable à tous les salariés – la même année !
Pour lesdits partenaires, l’amélioration du taux d’emploi des seniors constitue pour notre pays un enjeu majeur, il est en France parmi les plus bas des pays industrialisés, l’âge moyen de la population active croît fortement, la population en âge de travailler baisse depuis 2006 et le taux élevé de chômage des seniors est, principalement, du chômage de longue durée. Cette situation liée à l’évolution démographique oblige à passer d’une logique où l’âge était un facteur d’ajustement du marché du travail avec des taux d’emploi très bas dès 55 ans à de nouvelles pratiques de maintien ou de reprise de l’activité professionnelle jusqu’à que les conditions pour obtenir une retraite à taux plein soient réunies.
Il faudra être en mesure de faire face à un déséquilibre entre offre et demande de compétences sur le marché du travail dans certaines régions ou certains secteurs professionnels non compensé par le progrès technologique : L‘expérience acquise des seniors est, alors, un avantage évident ! Il faut prévenir aussi une perte de potentiel de croissance si le taux d’emploi des seniors n’augmente pas. Enfin, outre qu’il faut assurer aux seniors une activité leur offrant une rémunération puis une retraite convenable, il faut également progresser dans la recherche de l’équilibre des comptes sociaux et, en particulier des retraites : On ne peut éternellement augmenter cotisations et durées d’activités avec un chômage senior en progression !
L’augmentation du taux d’emploi des femmes et le retour à l’emploi des chômeurs (?) via les ANI 2003 sur la formation tout au long de la vie professionnelle, 2004 sur la mixité et l’égalité professionnelle hommes/femmes et 2005 sur la convention de reclassement personnalisé – remplacée depuis le 1er septembre 2011 par le contrat de sécurisation professionnelle (licenciement économique entreprises de moins de 1 000 salariés) – ne peuvent suffire à eux seuls à résoudre ladite question de l’équilibre des comptes sociaux d’où l’intérêt du relèvement du taux d’emploi des seniors comme impératif macroéconomique et social.
Le Conseil de Lisbonne a fixé l’objectif au niveau européen à 50% pour les 55/64 ans en 2010 alors que notre pays accuse un retard de plus de 10 points. Les partenaires sociaux entendent participer par étapes, dans leur domaine de compétence, à cet objectif du maintien et de la reprise d’emploi des seniors, leur démarche s’intégrant dans un cadre général où les pouvoirs publics assument les responsabilités qui leur sont propres. Il sera, bien entendu, tenu compte de la diversité et situation des secteurs professionnels, des entreprises et de l’évolution des carrières des salariés. Pour cela, un certain nombre de dispositions ont été arrêtées :
3.3.1 – FAIRE EVOLUER LES REPRESENTATIONS SOCIO-CULTURELLES
D’abord, remettre en question les clichés sur le vieillissement et la productivité avec l’abus dans le passé des préretraites par l’ensemble des acteurs alors que sur le plan macroéconomique, il s’avère que le vieillissement de la population active n’a pas d’impact sur la productivité moyenne. Le coût additionnel du travail n’est qu’un coût d’expérience ! Ensuite, branches professionnelles et territoires devront contrecarrer les idées reçues sur la gestion des âges et la performance économique et en convaincre les responsables d’entreprises, la hiérarchie, les salariés et leurs représentants. Enfin, il faudra intégrer le tout dans un plan national d’action pour l’emploi des seniors impliquant l’Etat et les partenaires sociaux. Il va de soi que cela ne se fera pas au détriment des autres classes d’âge, en particulier des primo demandeurs d’emploi !
3.3.2 – SECURISER LES PARCOURS PROFESSIONNELS
L’augmentation du taux d’emploi des seniors, ce sont des actions de prévention et d’adaptation pour faire évoluer les carrières, maintenir dans l’emploi ou développer la mobilité interne et externe. Il faut agir sur les conditions et l’organisation du travail, la capacité et la motivation des salariés à s’adapter via la formation, la gestion des parcours individuels, la reconnaissance des acquis de l’expérience. Il faut aussi anticiper l’emploi des plus de 45 ans. Il s’agit de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau des branches, territoires et entreprises (rôle des observatoires des métiers et qualifications), de prévoir des entretiens professionnels de deuxième partie de carrière dès 45 ans puis tous les cinq ans comme prévu par l’ANI 2003 sur les besoins en formation et perspectives d’évolution (rôle des AE et AC-BP), d’améliorer et d’aménager les conditions de travail et d’emploi (diminuer la pénibilité liée à l’âge, adapter ergonomie et organisation en lien avec le Médecin du Travail, le CHSCT ou les DP), d’utiliser le DIF pour des actions de formation professionnelle dès 50 ans, faire des bilans de compétences dans le but de définir un projet professionnel, valider les acquis de l’expérience (VAE) par l’entreprise ou en externe (OPCA/OPACIF), transmettre savoirs et savoir-faire via le tutorat, le parrainage ou tout autre modalité, de préférence à des volontaires ayant une légitimité professionnelle, prévoir une période de professionnalisation dès 45 ans (prioritaires) et, bien entendu, informer les institutions représentatives du personnel.
3.3.3 – FAIRE RETOURNER LES SENIORS DANS L’EMPLOI
Il faut fluidifier le marché du travail et éliminer toute discrimination ! Le critère d’âge dans l’offre d’emploi doit se voir substituer des critères d’aptitudes. Branches professionnelles, entreprises et signataires du présent accord en feront la demande conjointe au Pôle Emploi, à l’APEC et aux OP représentants cabinets de recrutement et entreprises d’intérim. L’amélioration du retour dans l’emploi des seniors passe aussi par des dispositifs dans les prochaines conventions d’assurance chômage. Le contrat de professionnalisation devra être un instrument prioritaire pour favoriser la réinsertion des plus de 45 ans sans emploi, ni qualification appropriée (rôle des AE et AC-BP) Il faudra également développer le travail à temps partagé via des groupements d’employeurs (rôle des BP) et aménager le contrat à durée déterminée pour le retour à l’emploi des seniors (18 mois renouvelable une fois dès 57 ans)
3.3.4 – AMENAGER LES FINS DE CARRIERE
Faire le bilan retraite dès 55 ans avec sa hiérarchie à l’occasion de l’entretien professionnel de deuxième partie de carrière, obtenir dès 55 ans, en accord avec l’employeur, un aménagement des horaires de travail (par exemple, temps partiel) et aménager la fin de carrière en matière de pénibilité y compris le rétablissement de la préretraite progressive pour les emplois pénibles.
3.3.5. – ORGANISER LES RELATIONS AVEC LES POUVOIRS PUBLICS
Faire mettre en œuvre les aménagements législatifs et réglementaires et un plan d’action concerté avec une évaluation biennale de tous les acteurs, revoir le dispositif du cumul emploi-retraite, corriger la contribution Delalande désormais supprimée en 2008, prévenir les effets de comportement de substitution aux restrictions apportées aux préretraites, accélérer l’application de la retraite progressive (loi du 21 août 2003)
Enfin, les branches professionnelles – et, à défaut, les entreprises – engageront dans les six mois une négociation avec les organisations syndicales représentatives pour rechercher les dispositions les plus adaptées à l’objectif du présent accord. Il ne sera pas possible de déroger sur les articles essentiels de l’ANI !
Cet objectif, c’est un taux d’emploi des 55/64 ans en progression annuelle de deux points, soit 36,8% en 2003 à 50% en 2010. Un premier bilan fin 2007 conduira à de nouvelles mesures pour 2010.
Vaste programme qui est loin d’avoir abouti aux résultats escomptés !
3.4 – SUBSTITUTION A L’ANI « SENIORS » 2006 DE LA LOI « GENERATIONS » 2013 PLUS RICHE, PLUS COMPLETE ET PORTEUSE D’ESPOIRS !
Première ébauche, l’ANI « seniors » 2006 est resté trop généraliste, trop théorique, trop loin du terrain, d’où un échec prévisible (cf infra) et son remplacement en 2013 par la loi sur les contrats de génération qui vise tant à relancer l’emploi des jeunes et des seniors qu’à faciliter la transmission des entreprises de moins de 50 salariés.
De plus, nous sommes, à l’évidence, dans une version simplifiée et surtout, plus humaine, des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
La G.P.E.C. reste une « usine à gaz » pour les entreprises. Depuis le début du XXIème siècle, elle a fait l’objet de trois lois : Loi de modernisation sociale 2002 pour les P.M.E., loi de cohésion sociale Borloo 2005 sur la négociation collective triennale et LFSS 2008 sur les retraites et l’emploi des seniors. S’ajoute un A.N.I. signé le 14 novembre 2008 par les partenaires sociaux.
Dans la pratique, la G.P.E.C. a une image négative puisqu’elle vise principalement à sauver l’entreprise et à prévenir un éventuel Plan social (P.S.E.) alors que les accords d’entreprise ou plans d’action de génération positivent en privilégiant, d’abord, l’embauche des jeunes, le maintien des seniors dans leurs postes et la transmission des savoirs faire, expériences et compétences entre générations avec un objectif, l’éradication du chômage !
Si les entreprises ont moins de 50 salariés, formalisme simplifié, une embauche d’un jeune et le maintien d’un senior et c’est une aide de l’Etat pour chaque binôme dès le 1er janvier 2013.
Après, c’est « la carotte ou le bâton » !
De 50 à moins de 300 salariés, priorité à la négociation collective et – à défaut d’accord entre partenaires sociaux – mise en place d’un plan d’action par l’employeur. L’entreprise peut se prévaloir de l’accord de génération éventuellement conclu au niveau de la branche professionnelle s’il a été étendu. Dépôt du diagnostic préalable, de l’accord d’entreprise ou du plan d’action auprès de la DIRECCTE pour obtenir une aide par binôme jeune/senior après promulgation de la loi de génération.
Dès 300 salariés, plus d’aide de l’Etat, c’est le régime de la pénalité. La firme ne peut plus se prévaloir d’un accord collectif de branche professionnelle éventuel, elle doit, dans l’entreprise, négocier un accord « génération » et si désaccord entre partenaires sociaux (procès-verbal de désaccord), l’employeur établit un plan d’action. A défaut – 30 septembre 2013, dernier délai – et après mise en demeure préalable pour régularisation , pénalité sur la masse salariale, type égalité professionnelle, seniors ou pénibilité.
A noter qu’à défaut de délégué syndical dans l’entreprise, on peut négocier avec les institutions représentatives du personnel (Comite d’entreprise, D.U.P ou délégués du personnel) ou des salariés mandatés par des O.S.R ou d’opter, d’emblée, pour le plan d’action.
Durée maximale de l’accord collectif ou du plan d’action ainsi que de l’aide de l’Etat si moins de 300 salariés : Trois ans !
Quand il existe un groupe, c’est la notion de groupe qui est appliquée à l’entreprise pour le choix du régime d’aide ou de pénalité (P.e. si TPE 20 salariés dans un groupe de 400 salariés, régime de la pénalité !)
Quel formalisme pour conclure un accord ou mettre en place un plan d’action de génération ?
On établit un diagnostic préalable : Pyramide des âges, prévision des départs en retraite, perspectives de recrutement, compétences clés de l’entreprise existantes et à prévoir, moyens à mettre en œuvre (formations, mobilité, équipements, etc….) S’ajoute les objectifs chiffrés et le calendrier prévisionnel de mise en place et réalisation des engagements de l’employeur en matière de recrutement de jeunes en CDI, d’embauche en général et de maintien dans l’emploi des seniors.
On est bien dans une version simplifiée de la GPEC orienté sur l’emploi et le rôle de l’administration sera d’exercer un contrôle de conformité tant des contenus des diagnostics que des accords collectifs et plans d’actions eux-mêmes.
La loi sur les contrats de génération du 1er mars 2013 et l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 compétitivité-emploi concrétisé prochainement par le législateur sont les meilleurs chances – sous réserve d’une croissance favorable aux embauches – de notre nouveau Président pour que notre pays sorte de la préoccupante spirale du chômage.
3.5 – UN SECOND ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL ETENDU SUR LE STRESS AU TRAVAIL EN 2008 !
Ce nouvel ANI – signé par l’ensemble des organisations patronales et syndicales à l’exception de la CGT – s’ajoute au Document Unique et est essentiel dans l’éradication de la pénibilité et des risques psychosociaux, lesquels explosent dans notre économie majoritairement tertiaire !
Le 2 juillet 2008, un accord national interprofessionnel (ANI) relatif au stress au travail était signé par les partenaires sociaux. Depuis, un arrêté du 23 avril 2009 étend la portée de cet accord et le rend obligatoire à compter du 6 mai 2009 à tous les employeurs et tous les salariés.
L’ANI du 2 juillet 2008 est la transposition en droit français d’un accord sur le stress au travail signé par les partenaires sociaux européens le 8 octobre 2004 dans le cadre des dispositions communautaires.
3.5.1 – DÉFINITION DU STRESS
Selon l’ANI, un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Des individus peuvent réagir de manière différente à des situations identiques et un même individu peut réagir différemment à des situations similaires selon les moments de sa vie. Le stress n’est pas une maladie mais une exposition prolongée au stress peut réduire l’efficacité au travail et causer des problèmes de santé.
3.5.2 – OBJET DE L’ACCORD
L’ANI poursuit l’objectif d’accroître la prise de conscience et la compréhension du stress au travail, par les employeurs, les travailleurs et leurs représentants, d’attirer leur attention sur les signes susceptibles d’indiquer des problèmes de stress au travail et de fournir aux employeurs et aux travailleurs un cadre qui permette de détecter, de prévenir, d’éviter et de faire face aux problèmes de stress au travail.
Dans ce cadre, les partenaires sociaux souhaitent concourir à la préservation de la santé des travailleurs par:
- la mise en place d’une prévention efficace contre les problèmes générés par les facteurs de stress liés au travail,
- l’information et la formation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise,
- la lutte contre les problèmes de stress au travail et la promotion de bonnes pratiques, notamment de dialogue dans l’entreprise et dans les modes organisationnels pour y faire face,
- la prise en compte de l’équilibre entre vie professionnelle, vie familiale et personnelle.
3.5.3 – IDENTIFICATION DES PROBLÈMES DE STRESS AU TRAVAIL
L’ANI présente un certain nombre d’indicateurs qui peuvent révéler la présence de stress dans l’entreprise justifiant la prise de mesures adaptées pour lutter contre ce phénomène:
- un niveau élevé d’absentéisme, notamment de courte durée, ou de rotation du personnel en particulier fondée sur des démissions,
- des conflits personnels ou des plaintes, fréquents de la part des travailleurs,
- un taux de fréquence des accidents du travail élevé,
- des passages à l’acte violents, contre soi-même ou contre d’autres, même peu nombreux, une augmentation significative des visites spontanées au service médical.
A noter qu’un nouvel ANI sur le harcèlement et la violence au travail a été signé le 26 mars 2010 à l’unanimité et étendu par un arrêté du 23 juillet 2010 (Accord européen du 26 avril 2007) !
3.5.4. – LE STRESS ET LE DOCUMENT UNIQUE
La prise en compte du stress au travail entre désormais dans les obligations légales qui pèsent sur les employeurs en matière de santé et de sécurité au travail et à ce titre, ils doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs dès qu’un problème de stress au travail est identifié.
Les institutions représentatives du personnel, et à défaut les travailleurs, sont associés à la mise en oeuvre de ces mesures.
Ce risque devra être inclus dans l’analyse des risques du document unique d’évaluation des risques professionnels.
En clair, la prise en compte du stress au travail entre dans le champ des dispositions des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du Code du travail relatifs aux principes généraux de prévention et qui imposent notamment à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L’ANI se réfère à des mesures qui peuvent être collectives, individuelles ou concomitantes pour prévenir, éliminer et, à défaut, réduire les problèmes de stress au travail et il réaffirme le rôle pivot du médecin du travail soumis au secret médical, ce qui garantit au travailleur de préserver son anonymat, dans un environnement pluridisciplinaire.
3.6 – LES LIMITES DES ACCORDS PROFESSIONNELS CONTRAINTS OU NON !
Le meilleur exemple déjà évoqué (cf supra) ce sont les résultats de l’ANI 2006 étendu sur l’emploi des seniors – désormais obsolète – et, plus précisément son objectif de l’article 27 de porter le taux d’emploi des 55/64ans de 36,8% en 2003 à 50% en 2010 – soit 2% de progression annuelle – on constate aujourd’hui un taux qui reste limité à 39,7% (+ 0,4% annuel) à l’échéance 2010, sept points en dessous de la moyenne des 27 pays européens et au 15ème rang dans l’U.E. et ce malgré un plan d’action national concerté 2006/2010 entre l’Etat, les collectivités territoriales, les branches professionnelles et les partenaires sociaux. Nous sommes d’ailleurs plus dans le maintien que dans l’embauche des seniors car il subsiste, à tort, dans les entreprises une mauvaise représentation de ceux-ci ! Mais, l’obligation de négocier pour les firmes de 50 salariés et plus – ou d’établir un plan d’action – qui résulte de la loi de financement de la Sécurité Sociale 2009 se traduit par une contrainte pour les entreprises qui, à défaut d’accord ou de plan, devront payer une pénalité basée sur la masse salariale. Cela explique que, désormais, près de la moitié des salariés actifs sont maintenant concernés avec une forte majorité de plans d’action, qu’un tiers des branches professionnelles ont conclu des accords sur ce thème ce qui touche, également, un tiers des firmes avec salariés. La contrainte impose, sinon le résultat, au moins le dialogue social et/ou des propositions patronales, mais l’obligation reste de moyens !
Mais qu’en sera-t-il avec les ANI anti-stress 2008 ou harcèlement et violence au travail 2010 eux aussi étendus mais qui ne sont pas soumis à contraintes comme celui sur la pénibilité 2012 ?
Rappelons une pérenne et grave lacune de notre droit du travail qui favorise une quasi-impunité de nos entreprises sur le respect de ces nouveaux outils anti-pénibilité et, tout d’abord, du Document Unique !
Cela relève principalement du fait de l’indigence des services de l’Inspection du Travail, soit 1 700 agents (535 inspecteurs et 1 171 contrôleurs, chiffres 2008) pour environ 1 600 000 firmes et 16 millions de salariés, ce qui ne représente qu’un pour mille, d’où une très grande rareté des contrôles tant aléatoires que sur signalements et, le cas échéant, des sanctions afférentes…
POUR CONCLURE
1 – PENIBILITE VERSUS COMPETITIVITE
L’éradication progressive de la pénibilité relève des employeurs et passe, notamment, par une réorganisation du travail, une ergonomie toujours plus parfaite des postes de travail, l’utilisation pertinente de la machine, une obligation de résultats en matière de sécurité. Mais, le chef d’entreprise a aussi des contraintes de rentabilité, de compétitivité et de coût salarial ce qui le freine s’il envisage d’améliorer les conditions de travail, d’où la nécessité d’une intervention du législateur, des branches professionnelles et des partenaires sociaux !
2 – UN JUSTE MILIEU ENTRE EFFORTS EXCESSIFS ET... PARESSE !
A noter que nous sommes loin d’être égaux devant la pénibilité au travail : Selon notre constitution, notre sportivité, notre état de santé, notre âge, notre motivation, l’accomplissement d’une vocation, notre « ressenti » de la pénibilité sera bien différente d’un individu à l’autre !
Mais, faisons, néanmoins, quelques réserves, car si la pénibilité use les corps, notamment, via une vieillesse anticipée, des troubles musculo-squelettiques (TMS) notre corps nécessite, le plus souvent, la pratique d’un sport pour bien fonctionner et rester en bonne santé ; la pénibilité peut aussi détruire l’esprit par des excès de stress, du burn-out (syndrome d’épuisement professionnel) alors qu’un « bon stress » favorise la motivation : Nous sommes dans le principe du raisonnable, du juste milieu recommandé dans toutes les circonstances de la vie …..
3 – AVEC LA RENTREE 2013, LA PENIBILITE VA ETRE CONFRONTEE AUX LIMITES DU TERRAIN
Dans le cadre de la réforme des retraites que prépare cette année le gouvernement, des comptes pénibilité vont être créés pour les salariés qui accumuleront des points durant toute leur carrière en fonction de la pénibilité objective de leur travail.
Ces points vont leur permettre, soit de racheter des trimestres pour partir plus tôt en retraite, soit de faire des formations pour bénéficier de promotions et d’un travail moins pénible, soit enfin, ou de réduire leur temps de travail avec un salaire équivalent – temps partiel payé temps complet à l’approche de la retraite – ou d’obtenir une majoration de leur rémunération en fonction et en contrepartie de leurs risques professionnels….
Financement par l’Etat et toutes les entreprises qui devront régler cotisations et sur-cotisations proportionnelles au pourcentage de salariés soumis à la pénibilité dans leurs firmes ! Suggérons la technique «accidents du travail» qui a fait ses preuves dans le temps puisqu’elle va de la mutualisation pour les TPE-PME à l’individualisation pour les grandes entreprises.
Le projet va être soumis à la concertation – aucun ANI n’a pu être signé jusqu’à présent – des partenaires sociaux, c’est le respect du dialogue social, avant d’être transmis au législateur…
Certes l’idée est séduisante et le projet bien construit mais sa réalisation aurait exigé d’être dans une période de forte croissance ce qui n’est pas le cas dans notre pays !
Le problème est dans le financement, d’une part, l’Etat est endetté depuis plusieurs décennies, cherche à réduire ses dépenses et n’en n’a pas besoin de nouvelles et d’autre part, les entreprises confrontées à un coût du travail toujours plus important vont être tentées d’externaliser leur production si elles ne peuvent améliorer leur compétitivité.
Ajoutons que lesdites entreprises vont se trouver face à un dilemme, soit investir pour diminuer la pénibilité, soit payer des sur-cotisations, ce qui diminue dans les deux cas leur compétitivité !
Moins de compétitivité, c’est moins d’emplois et plus de chômage…
Le gouvernement offre aux partenaires sociaux – patronat et syndicats – une « patate chaude » et la négociation risque de se terminer par un désaccord ou, au mieux, un accord du « plus petit commun dénominateur » acceptable par une majorité !
Ne refaisons pas l’erreur des 35 heures en 1998-2000 (lois Aubry), que les négociateurs syndicaux et patronaux signent un accord national interprofessionnel « cadre » laissant le soin aux branches professionnelles de négocier la pénibilité tant dans leurs métiers respectifs qu’en fonction de l’effectif et de la taille de l’entreprise à l’exemple de la loi ROBIEN 1996 sur la réduction du temps de travail.
C’est ce que préconise le praticien de terrain que je suis…
4 – UN CLIN D’ŒIL OU UNE PENIBILITE VECUE
Cette problématique de la pénibilité a de multiples facettes, elle est relative, subjective au travers de l’espace et du temps !
Marchant d’un bon pas dimanche 15 avril dernier au milieu du « dernier carré » des marathoniens de Paris – 40 000 au départ – une cohorte qui traînait les pieds, courait clopin-clopant, boitait à qui mieux-mieux, souffrait en silence, devançait la « voiture-balai » mais qui, pour la plupart, seraient à l’arrivée au 42ème km 195 non pour la médaille mais pour l‘honneur, le panache !
Éprouvaient-ils de la pénibilité ces bénévoles (« C’est bien plus beau lorsque c’est inutile » déclame Cyrano de Bergerac dans l’œuvre d’Edmond Rostand) ou faisaient-ils connaissance avec eux-mêmes (« L’Homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle » – St Ex), en fait, ils allaient au bout de leur rêve, du challenge qu’ils s’étaient fixé, de la volonté de réussir un exploit à leur niveau car – sans motivation on n’aboutit à rien – et dans un marathon tout le monde souffre mais les derniers plus longtemps que les premiers…
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ANNEXES DOCUMENT UNIQUE
(Evaluation des risques professionnels et actions de prévention : Exemples chauffeur routier, personnel administratif, mécanicien)
Pour chaque poste ou unité de travail, l’entreprise doit identifier, par exemple pour un chauffeur routier :
- Les dangers (ex : vitesse excessive).
- Les risques (ex : risque routier).
- Les conséquences (ex : accident).
- Les causes (ex : non-respect du code de la route).
- L’estimation de la gravité du risque (ex : élevé, faible, moyen).
- L’estimation de la fréquence et de la durée d’exposition (ex : temps de conduite).
- Les mesures de prévention (ex: note de service sur les dangers de la route).
Il est également fortement recommandé de faire une évaluation de la gestion du stress et des risques psychosociaux.
Risques et actions de prévention
Des exemples de risques :
- risque routier ;
- risque lié à l’utilisation d’un téléphone portable : accident ;
- rachialgies (changement de roue, chaînage, posture liée à la conduite) ;
- pollution urbaine et gaz d’échappements ;
- agressions physiques et verbales ;
- station assise prolongée, contraintes circulatoire, digestive ;
- chute de hauteur, de plain-pied (neige, verglas) ;
- charge mentale (vigilance permanente) ;
- climatisation.
Des exemples d’actions de prévention :
- respect de la réglementation des temps de conduite et des temps de repos : archivage des disques de chrono tachygraphe ;
- ergonomie du poste de conduite (siège adapté réglable, protection éventuelle contre les agressions physiques, …) ;
- entretien mécanique, pneumatique, électronique, régulier du véhicule ;
- choix de l’itinéraire ;
- danger de l’utilisation de médicaments et de drogues ;
- respect du code de la route ;
- visites médicales périodiques.
Risques et actions de prévention concernant le personnel administratif
Des exemples de risques :
- travail sur écran en permanence avec contraintes visuelles et posturales ;
- gestes répétitifs lors de la frappe sur le clavier ;
- manutention de dossiers pour consultation, mise à jour, archivage ;
- pression des clients ;
- bruit du téléphone ;
- nuisances organisationnelles : travail pouvant connaître des périodes plus intenses que d’autres ;
- agressions verbales téléphoniques ;
- risque incendie ;
- travail en périodes de fortes chaleurs ;
- harcèlement moral, harcèlement sexuel.
Des exemples d’actions de prévention :
- en cas de travail sur écran, examen approfondi des yeux lors des visites médicales ;
- comportement adapté aux agressions verbales ;
- réglage de la luminosité ;
- écran de bonne qualité, antireflet, nettoyé régulièrement ;
- organisation du temps de travail ;
- suppression du tabagisme passif ;
- gestion des pauses et alternance des tâches ;
- affichage de consignes concernant le harcèlement moral ;
- dialogue ;
- rappeler les postures à adopter devant son écran, utiliser un tapis de souris adapté au poignet ;
- extincteurs.
Risques et actions de prévention concernant le mécanicien
Des exemples de risques :
- bruit des moteurs et des outils ;
- produits gras, salissants ;
- odeurs ;
- rejets des pots d’échappement ;
- coupures ;
- chutes de plain-pied sur sol glissant, mal éclairé, encombré ;
- lombalgies d’effort ;
- projection de corps étrangers dans les yeux ;
- port de charges (pièces détachées, batteries, outils) ;
- gestes répétitifs des poignets pour le montage et démontage des pneus (vissage).
Des exemples d’actions de prévention :
- aération et ventilation du local, chauffage et éclairage suffisants ;
- produits dangereux étiquetés ;
- outils en bon état et adaptés à la tâche ;
- extincteur à proximité ;
- connaissance de la signalisation de sécurité et des symboles présents sur les récipients par le personnel ;
- interdiction de boire, de manger et de fumer dans l’atelier ;
- consignes de sécurité et procédures d’évacuation affichées ;
- mise à la terre des appareils électriques, prises de courant protégées ;
- réduction du bruit à la source ;
- port de protection individuelle ;
- réseau électrique aux normes et régulièrement contrôlé (installation, câbles, prolongateurs, …) ;
- évacuation adaptée des gaz, fumées, vapeurs explosives.
La monographie relative à la pénibilité résulte principalement d’une analyse de praticien des textes législatifs, réglementaires et conventionnels de la problématique – nombreux en ce début de XXIème siècle – plus que d’une bibliographie très limitée – il est vrai que le terme pénibilité n’existe même pas dans la langue anglaise – ou ultra spécialisée (risques psychosociaux, troubles musculo-squelettiques, accidents du travail, maladies professionnelles, etc…).
Cette analyse a été soumise, amendée, enrichie, partagée avec mes professeurs de l’Université de Panthéon-Sorbonne en droit social, droit du travail, droit de l’emploi, droit de la protection sociale, gestion des ressources humaines, sociologie du travail (Franck Petit DS, Christine Neau-Leduc DDT, Ridha Ben Hamza DDT, Francis Kessler DPS, Laurène Gratton DDE, Valérie Neveu GRH et Delphine Serre SDT). Conjointement, ces travaux ont été discutés, adaptés au terrain lors de « cafés RH » réguliers ou d’échanges ponctuels avec des professionnels de la fonction DRH ou RRH ou lors de missions en associations.
ABREVATIONS
- AC Accord collectif
- AC-BP Accord collectif – branche professionnelle
- AE Accord d’entreprise
- ANI Accord national interprofessionnel
- APEC Association pour l’emploi des cadres
- AT Accident du travail
- BP Branche professionnelle
- CDD Contrat durée déterminée
- CDI Contrat durée indéterminée
- CE Comité d’Entreprise
- CEE Communauté économique européenne
- CFDT Confédération française démocratique du travail
- CGC Confédération générale des cadres
- CGT Confédération générale du travail
- CRAM Caisse régionale assurance maladie
- CHSCT Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
- CSS Code de la sécurité sociale
- CT Code du travail
- DGT Direction générale du travail
- DIF Droit individuel formation
- DIRECCTE Direction régionale entreprise, concurrence, consommation, travail et emploi
- DRH Directeur des ressources (ou relations) humaines
- DRS Directeur des relations sociales
- DRT Direction des relations du travail
- DSS Direction de la sécurité sociale
- DU Document unique
- DUER Document unique évaluation des risques
- DUERP Document unique évaluation des risques professionnels
- DUP Délégation unique du personnel
- EPIC Entreprise publique industrielle et commerciale
- GE Grandes entreprises
- GPEC Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
- IPRP Intervenants prévention risques professionnels
- IRP Institutions représentatives du personnel
- JO Journal officiel
- LFSS Loi de financement de la sécurité sociale
- LMS Loi de modernisation sociale (2002)
- MEDEF Mouvement des entreprises de France
- MP Maladies professionnelles
- OP Organisations patronales
- OPACIF Organisation paritaire agréé congé individuel de formation
- OPCA Organisme paritaire collecteur agréé
- OPPBTP Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics
- OSR Organisations syndicales représentatives
- PME Petites et moyennes entreprises
- PSE Plan de sauvegarde de l’emploi (ex plan social)
- RPS Risques psychosociaux
- TMS Troubles musculo-squelettiques
- TPE Très petites entreprises
- UE Union européenne
- UES Unité économique et sociale
- VAE Validation des acquis de l’expérience