Article mis à jour le 26/10/2017
GM & S est une parabole de la vieille France industrielle qui n’en finit pas de se débattre pour ne pas mourir et ce, alors que tous les vents lui sont contraires.
Tout d’abord sur le long terme, l’entreprise a été ballotée au gré des évolutions macro-économiques des constructeurs automobiles.
Dans les années 90, avec l’ouverture de l’Europe de l’Est, apparaissent une concurrence à bas coût et de nouveaux marchés.
Les constructeurs s’y ruent en ouvrant des usines d’assemblage automobile qui, elles-mêmes, y entrainent des fournisseurs de rang 1 et 2.
C’est alors que le monde de la concurrence pour les équipementiers s’élargit progressivement à ces nouveaux acteurs à bas coût, et commence à décimer nos usines françaises, qui ne sont plus concurrentielles si elles n’offrent pas de produits et/ou services uniques.
Pour aggraver les choses, les constructeurs automobiles français ont en parallèle externalisé leurs usines de production de pièces (afin de profiter de cette concurrence accrue) et se recentrer sur les sous-ensembles stratégiques (tels que les moteurs) et l’assemblage des véhicules.
GM & S est un exemple-type de ces mouvements tectoniques de l’industrie automobile européenne.
Sa taille modeste, son coût de production élevé, sa dépendance forte à peu de clients historiques, les coûts d’investissements toujours plus élevés, sa difficulté à se positionner dans de nouveaux appels d’offres l’entraine immanquablement dans la spirale du déclin.
C’est ainsi qu’elle passe de mains en mains fréquemment, parcours classique de vieille société qui n’arrive pas à se renouveler.
En ce qui concerne l’aspect social, l’histoire est également tristement classique. Les usines sont généralement à la campagne. Le canton est dépendant d’un ou deux employeurs. Les salariés sont donc liés au sort de leur employeur et si les choses se passent mal, ils devront souvent déménager pour trouver un autre travail.
De reprise en reprise, les salariés de GM & S s’épuisent et réagissent très mal.
Les mouvements sociaux lors de périodes de redressement judiciaire font typiquement fuir un éventuel repreneur. Une reprise à la barre du tribunal est une affaire compliquée et risquée. Aussi, lorsque la dynamique de l’entreprise est à la révolte, ce facteur clé qu’est l’humain suffit à décourager un éventuellement repreneur.
Quand de surcroît, il y a sabotage de l’équipement industriel, feu de palettes, menaces sur l’environnement… c’est le coup de grâce.
Pourtant, GMD a fait une offre de reprise, qui a été acceptée [1] :
« Le tribunal de commerce de Poitiers a validé, jeudi 7 septembre, la reprise pour un euro de l’équipementier automobile GM & S par l’entreprise GMD, un petit groupe spécialisé dans l’emboutissage, la plasturgie, la fonderie et l’étanchéité. La reprise par GMD constituait la seule issue pour éviter la liquidation définitive et le licenciement immédiat des 277 salariés. »
Mais les salariés ont continué à faire la grève, à manifester plutôt que de se remettre immédiatement au travail dans l’optique de profiter du miracle de la survie.
Cela défie la loi de la pesanteur !
La reprise de GMD n’est-elle qu’une reprise de plus dans la spirale descendante de GM & S ou bien un vrai nouveau départ ?
Liens utiles :
- La justice valide la reprise de l’équipementier GM & S par GMD http://ow.ly/kIFQ30g8K7k
- GM & S à l’Elysée : « Le président n’a pas daigné venir nous voir » – Le Parisien http://ow.ly/vn9830g8J5N
- Les représentants de GM&S « déçus » et « amers » après avoir été reçus à l’Élysée http://ow.ly/SzMQ30g8JaU
- GM&S : c’est quoi cette prime supra-légale que réclament les salariés ? – LCI http://ow.ly/LnAh30g8JXa
- Des salariés de GM&S considèrent que les propos d’Emmanuel Macron sont « populistes »
- « Bordel » : Emmanuel Macron se justifie mais en remet une couche contre certains salariés de GM&S « qui bloquent tout »
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Auteur de cet article :
Patrick Durand-Smet de double formation ingénieur et commerce (Polytechnique et Wharton) est chef d’entreprise depuis vingt ans. Il a repris diverses sociétés industrielles ou de service. Au fil du temps il s’est spécialisé dans les entreprises qui nécessitaient des changements majeurs, tels que des plans de développements forts, des réorganisations ou même des restructurations. Il a également accompagné des entreprises en redressement judiciaire.
Aujourd’hui il est manager de transition et conseille des sociétés dans des situations délicates.