Article mis à jour le 16/04/2014
Dans le cadre de l’écriture d’un livre sur la thématique de l’email en 2012 qui sera publié en Février 2013 aux Editions Hachette Pratique, Anne de Landsheer, Vincent Berthelot et moi avons réfléchi aux implications de l’email sur la santé au travail, la productivité et la relation managériale. Ce livre contiendra des points de vue de professionnels de la communication et du marketing, de dirigeants, avocats, salariés, recruteurs…
Ce billet de blog est dédié à la contribution d’Anne de Landsheer qui s’adresse plus particulièrement aux recruteurs et qui est trop spécialisée pour les besoins de notre livre.
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. (Art. L 4121-1 du Code du travail).
La prévention du risque en matière de gestion du stress s’anticipe dès le recrutement en évaluant la prédictivité comportementale d’un candidat face au stress.
Identification des métiers concernés « à plus haut risque » :
Le stress peut s’anticiper en amont au niveau du recrutement sur les postes particulièrement concernés par la réception massive de mails. C’est le cas par exemple des métiers impliquant des collaborations multiples avec des départements ou fonctions et/ou pays différents :
- postes à forte orientation de coordination entre différents cœurs de métiers (métiers transverses, en fonctionnant en « mode projets ») ;
- métiers de gouvernance dans les organisations type matricielles ;
- métiers exposés directement à l’international incluant les décalages horaires des mails (export, marketing stratégique, R&D…) collaborant directement avec plusieurs filiales, et/ou des distributeurs prestataires, à l’international).
Notion de stress comme conséquence
Il est à noter que cette notion de stress comme conséquence d’un nombre très important de mails est encore nouvelle, et encore trop peu anticipée de la part des recruteurs, mais également de la part des candidats qui n’oseront pas toujours avouer cet état de fait qu’il considéreraient cet aveux comme « tabou ».
C’est aussi dans ce dernier cas que les mesures de prévention s’avèrent particulièrement utiles.
Evaluer pour prévoir ?
Si vous vous trouvez en position de recruteur, et que vous devez sélectionner des candidats à de tels postes particulièrement exposés à un flux important d’interlocuteurs (donc de mails), il semble pertinent de mettre en place des mesures préventives adéquates :
a) en amont du recrutement, une évaluation spécifique et rigoureuse sur l’aspect « stress émanant des mails de masse » afin de ne pas mettre un candidat en danger lors de la prise de fonctions,
b) en aval du recrutement un suivi régulier sur la phase cruciale des 100 premiers jours d’intégration pourra vous permettre de réagir et d’orienter une solution face aux éventuelles difficultés rencontrées par le nouveau collaborateur recruté.
Comment peut s’articuler cette prévention ?
a) en amont du recrutement
Au-delà de l’évaluation classique (techniques d’entretien semi-directif de recrutement), il existe des outils spécifiques, efficaces et suffisamment puissants pour évaluer en amont le comportement de la personne face à ce type de stress :
Tests orientés sur la dimension du stress ces tests ne servent pas à détecter le profil idéal mais celui dont l’approche comportementale et cognitive est en adéquation avec le poste et ne présente pas d’incompatibilité rédhibitoire. Toutefois la pratique des tests, si elle correspond à une tendance est loin d’être systématique et il n’est pas rare de voir des entreprises préférer se fier uniquement à la réalité relationnelle de l’entretien et à l’étude du CV, ce qui augmente le risque pour les deux parties.
Pourtant, les tests discernent mais n’enferment pas. Quels sont-ils ?
- Les tests dits psychotechniques, qui évaluent et les aptitudes cognitives, notamment la logique, et qualifient le type de raisonnement (par exemple le test de QI, Quotient Intellectuel en fait partie).
- Les tests dits de personnalité, qui évaluent et qualifient les aspects plus subjectifs comportementaux (le test de QE, quotient émotionnel est de ceux-là).
- Les tests professionnels, qui se déclinent selon une grande variété de professions et séduisent de plus en plus pour leur pertinence « en situation professionnelle » Ils ne sont plus réservés aux cadres confirmés mais également aux jeunes diplômés.
Ce sont ces derniers « tests professionnels » qui seront ici les plus adéquats pour mesurer et donc prévenir une mauvaise gestion du stress, en particulier celui dû à un nombre journalier / hebdomadaire très important de mails.
On y retrouve les « centres d’évaluation » appelés aussi Assessment Centers
En quoi ces tests permettent-ils un recrutement plus sécurisant en terme de prévention du stress dû à l’amoncellement de mails dans des métiers plus exposés que d’autres ?
Après avoir validé l’adéquation des compétences techniques pures (c’est-à-dire reliées spécifiquement à l’expertise du métier), vous orienterez, en tant que recruteur, votre réflexion et vos évaluations sur les compétences comportementales professionnelles.
Il est reconnu maintenant que le comportement professionnel est un élément déterminant en termes de prédictivité de réussite sur un poste.
Ces outils sont donc une arme efficace pour le recruteur comme pour l’entreprise et permettent prévenir un risque de stress trop important généré notamment par la gestion d’une abondance mails. Par conséquent, leur utilisation permet d’éviter d’être confronté à des difficultés sur une dimension comportementale complexe à résoudre aussi bien pour le candidat que pour l’entreprise.
Néanmoins, en pratique, nous constatons malheureusement qu’ils sont encore trop peu proposés et/ou utilisés à leur juste valeur.
b) en aval du recrutement
Un suivi régulier sur la phase cruciale des 100 premiers jours d’intégration pourra vous permettre de réagir et d’orienter une solution face aux éventuelles difficultés rencontrées par le nouveau collaborateur recruté.
Les études confirment que les 100 premiers jours sont cruciaux pour permettre à un nouveau venu d’asseoir sa crédibilité et de construire sa légitimité au sein de l’organisation. Certaines situations, comme le fait d’intégrer un métier très exposés aux flux quotidiens de mails, rendent cette période d’intégration encore plus difficile, voire critique.
Il est d’autant plus important de suivre l’intégration du candidat que ce dernier n’osera pas aborder le problème des mails massifs s’il a du mal à les gérer.
Le questionnement visera donc particulièrement ce sujet sensible comme celui de la gestion des mails et une investigation sur des erreurs fréquemment commises :
- Sous-estimer le travail que représente la gestion des mails et promettre des choses qu’on ne sera pas capable de délivrer ;
- Faire un « copié-collé » des approches que le candidat aurait déjà utilisées dans le passé sans tenir compte des différences de cultures ou de contexte organisationnel (par exemple remettre sa réponse à une semaine pour un groupe de travail habitué à la forte réactivité) ;
- Aller directement aux conclusions des mails et répondre sur ces seuls points en passant bien souvent à côté d’éléments clés nécessaires pour y répondre.
Anne de Landsheer, Global Talent Management & Recruitment, Life Sciences
Sur le même sujet :
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